Vincent Enyeama, gardien atypique, Super Eagle mythique

PAR MAXIME POUSSET

Une légende ne se décrète pas, elle se construit, brique par brique. Du haut de ses cinq Coupes d'Afrique des Nations et de ses trois Coupes du Monde, Vincent Enyeama a véritablement marqué l'histoire du football africain. À l'heure de raccrocher les gants chez les Super Eagles du Nigéria, il retrace avec émotion son riche parcours international.

2002 : Beckham comme baptême du feu

« J’ai fêté ma première sélection en 2002, durant la Coupe du Monde (même si en réalité, il s’agissait de sa seconde sélection. Il a disputé une rencontre de préparation contre le Kenya, quelques semaines plus tôt). À l’époque, je jouais encore au Nigéria (à Enyimba). Après avoir été remplaçant lors des deux premiers matchs, j’ai disputé le troisième contre l’Angleterre (0-0). Ça reste un très grand souvenir pour le jeune gardien que j’étais (20 ans). Et puis tout était incroyablement parfait : l’ambiance, l’affiche, le fait que je garde mon but inviolé. En face, il y avait quand même l’une des meilleures équipes du monde avec Beckham, Rooney, Owen, Heskey, A.Cole, Seaman… »

2004 : l'Afrique découvre un phénomène

« En 2004, je participe à ma première grande compétition, la Coupe d’Afrique des Nations, même si j’avais déjà remporté la Champions League africaine en 2003 (puis quelques mois plus tard, en 2004) avec Enyimba. On s’incline en demi-finale contre la Tunisie (1-1, 5 tab à 3). Malgré la déception, j’ai tiré beaucoup de fierté et de satisfaction d’avoir été élu meilleur goal de la compétition devant de grands gardiens comme Carlos Kameni, notamment. Je l’ai vécu comme une étape importante dans ma carrière. »

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2006, 2010 : maudites demi-finales

« Le scénario se répète en 2006 et en 2010 : on s’incline à chaque fois en demi-finale (face à la Côte d’Ivoire, 0-1, puis au Ghana, 1-0). Sur le coup, je l’ai vraiment analysé comme de la malchance, mais je ne me suis jamais résigné. Gagner la CAN a toujours représenté un objectif, un rêve d’enfant même… Et puis surtout parce qu’il ne me manquait plus que ça pour avoir tout remporté sur le continent africain. Je gardais donc cet espoir au fond de moi. » 

2010 : Adoubé par El Pibe de Oro

​« (À propos des éloges de Maradona après son match héroïque contre l’Argentine à la Coupe du Monde 2010) Diego Maradona a été le plus grand joueur du monde. Obtenir des compliments de sa part est quelque chose d’extrêmement gratifiant. Sur le coup, je me dis : “Si Maradona l’affirme, alors c’est qu’il a raison” (il se marre). Cela a beaucoup compté pour moi. Même si j’ai réalisé d’autres bons matchs dans cette Coupe du Monde après ce Nigéria-Argentine (1-0), ça m’a vraiment fait quelque chose de recevoir ces félicitations. »


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2013 : quand la légende devient mythe

« En 2013 (victoire face au Burkina Faso, 1-0 en finale), je réalise enfin ce rêve. Gagner un trophée n’est pas quelque chose qui arrive par hasard, ça se mérite et c’est toujours intense, en club comme en sélection. Mais cette fois-là, mon plaisir a été multiplié par cinq ou dix, c’est vrai ! Je pouvais enfin caresser cette Coupe d’Afrique des Nations, après cinq participations. On a beaucoup parlé de ma célébration au moment du coup de sifflet final (fou de joie, il avait enlacé les jambes de l’arbitre, comme pour le soulever). Je l’ai vécu comme un aboutissement, un grand sentiment de… (il pousse un long souffle de soulagement). On réalise soudain que : « Ça y est, c’est fait, je l’ai dans mon palmarès ! »


2014 : Des Bleus à l'âme

« Quatre ans plus tard, à la Coupe du Monde 2014, on rencontre la France en 1/8e de finale. Si vous saviez à quel point j’aurais voulu gagner ce match. Mais on l’a perdu (0-2), c’est la vie (il se reprend), enfin c’est le football. Tu rêves, tu espères, mais quelque chose d’autre se produit. Ce n’est donc pas un souvenir fort de ma carrière. Je réserve ce terme pour les victoires. Mais c’était un grand match, c’est vrai. »

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2015 : une page se tourne

« Pourquoi ai-je aujourd’hui décidé d’arrêter ma carrière internationale ? Certaines choses sont arrivées avec la fédération. Tout cela a engendré des réactions en chaîne qui m’ont au final amené à prendre cette décision. Aujourd’hui, je veux passer à autre chose et continuer à être heureux. Je me concentre sur le LOSC, un club pour qui je donnerai toujours tout. Mais aussi sur ma femme, mes enfants, avec qui je vais pouvoir passer plus de temps. »

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Du sang vert dans les veines

« Comment je me sens à l’heure de tirer mon bilan international ? Bien. J’ai eu la chance de défendre les couleurs de mon pays pendant 13 ans, presque 14. Cela va bien au-delà de la fierté. J’ai vécu de grands moments, de vraies joies. Je pense avoir inscrit mon nom dans l’histoire des Super Eagles, grâce notamment à cette victoire en CAN. Peu de gens au monde ont pu jouer à cent reprises sous le maillot de leur nation (il compte 101 capes officielles, le record national). C’est un immense honneur, cela veut dire que votre pays vous veut, vous apprécie. (Il marque un temps d’arrêt) Qu’il vous aime. »

 

 

Un grand merci à Vincent Enyeama (@vinny2908 sur Instagram) pour sa disponibilité.