Grégory Wimbée : "Aujourd’hui encore, c’est dur d’aller me balader à Grimonprez"
Portier lillois pendant 6 saisons (1998-2004) et aujourd'hui entraîneur des gardiens au centre de formation du LOSC, Grégory Wimbée a vécu avec intensité les douces « années Grimonprez ». Il se souvient avec beaucoup de tendresse et de mélancolie de ce stade pas comme les autres. De cette ambiance unique, de cette époque mythique.
Greg, sais-tu qu’il y a 20 ans, le LOSC disputait son dernier match à Grimonprez-Jooris ?
Je ne l’ai pas oublié, évidemment, mais je ne m’en rappelais plus. Tu sais, quand ça fait autant de temps, on finit par ne plus faire attention (sourire).
Quel est ton premier souvenir dans ce stade ?
La première fois que j’ai joué là-bas, c’était avec Nancy et nous avions perdu 2-0 contre le LOSC (14/03/97). Le match s’était déroulé en plein hiver, il n’y avait pas beaucoup de lumière. C’est le souvenir qui me revient en premier. Celui d’un stade fermé, donc pas très lumineux. En 1998, quand j’ai signé au LOSC, je suis arrivé 3 jours avant la première journée de championnat. Je n’ai donc pas eu le temps de m’approprier l’endroit. Et dès mon premier match (LOSC-Guingamp, 1-2, le 08/08/98), j’ai commis une boulette, même si pour moi ce n’est pas une vraiment boulette car il y a eu un faux rebond. Ce n’est pas un grand souvenir, mais disons que ça a compté dans mon parcours au LOSC, dans ma construction.
En résumé, tes premiers contacts avec Grimonprez-Jooris n’ont pas été des plus positifs…
C’est vrai, mais tout s’est ensuite rapidement inversé. Le LOSC est le club dans lequel j’ai le plus joué, donc inévitablement, Grimonprez est un stade qui a énormément compté pour moi. J’aimais bien sa configuration. J’ai vécu là-bas une vraie évolution. Au départ en Ligue 2, il ne devait pas y avoir plus de 4 ou 5 000 spectateurs de moyenne les soirs de match. Et à la fin, en 2004, le stade était plein à chaque rencontre.
Il avait quoi de si spécial ce stade ?
Sa configuration lui permettait, s’il était plein et si les gens suivaient, d’offrir à l’équipe un vrai supplément d’âme. Au début, les résultats n’étaient pas conformes aux ambitions du club, mais dès l’arrivée de Vahid, qui a su construire un groupe équilibré et ambitieux, les gens ont vu qu’ils avaient affaire à un groupe travailleur, qui mouillait le maillot. Une histoire d’amour est alors née entre cette équipe et son public. Le stade a commencé à se remplir, les gens se sont identifiés au groupe qui lui-même faisait écho aux valeurs du nord, au travail, à la solidarité. Nous étions déjà fiers, forts et féroces. Et c’est là que le public est vraiment devenu un douzième homme. Il se levait dans les 10 dernières minutes et poussait l’équipe à marquer. C’est ça qui était particulier à Grimonprez. Ce supplément d’âme, cette connexion. C’était palpable, on le ressentait tous.
Quel est ton plus beau souvenir là-bas ?
Il y en a plusieurs. Je pense d’abord à la remontée en D1 en 2000. J’ai profité à 1000% de ce moment-là, lorsque le public a envahi le terrain de façon festive. On a beaucoup souffert pour arriver à ce résultat. Même si on a donné l’impression que la saison a été facile, on a beaucoup travaillé. C’est un grand souvenir, même si je savais à ce moment-là qu’un autre gardien allait arriver la saison suivante et qu’il débuterait comme titulaire (NDLR : Teddy Richert est effectivement recruté à l’été 2000 pour être le numéro 1 en D1, mais il se blesse dès le premier match, ce qui a notamment permis à Gregory Wimbée de rester titulaire).
Mon autre grand souvenir est évidemment le match retour contre Parme en tour préliminaire de Champions League. C’est d’ailleurs peut-être la seule fois ou j’ai été heureux après une défaite, car nous étions quand même qualifiés. Nous n’avons pas eu la chance de jouer beaucoup de matchs européens à Grimonprez, mais celui-là reste un moment incroyable. Surtout quand on se dit qu’on était en D2 un peu plus d’un an plus tôt.
"Ça m’arrive parfois d’aller y promener mon chien, mais j’évite de penser qu’il y avait ici un stade"
Te souviens-tu de ce fameux LOSC-Bastia du 15 mai 2004 ?
Oui. Ce match a été très particulier pour moi car je savais à 95% que ça allait être mon dernier match à domicile avec le LOSC. J’avais fait 6 ans ici et j’avais ressenti que c’était la fin. Et effectivement, après la fin de la saison, Claude Puel m’a annoncé que je ne serais pas titulaire la saison suivante. Je suis donc parti à Metz durant cet été 2004.
Personne ne savait alors qu’il s’agissait du dernier match à Grimonprez-Jooris…
Non, il était question que le LOSC y revienne après les travaux de modernisation. En même temps, je me souviens que j’avais un ami dont l’entreprise avait gagné un appel d’offre pour une partie des travaux et il me disait que le projet était compromis à cause des nombreux recours. On savait donc que ça ne sentait pas bon, mais on était loin d’imaginer que Grimonprez-Jooris allait être détruit. Heureusement d’ailleurs, sinon ça aurait été beaucoup trop triste. Et puis s’il l’avait su avant, le LOSC n’aurait peut-être pas organisé les festivités de cette façon-là. Il aurait pu imaginer une plus grande fête, avec peut-être un retour de tous les joueurs qui ont marqué le stade, par exemple.
T’arrive-t-il aujourd’hui encore de retourner sur le site ?
Il faut d’abord savoir que j’ai toujours vécu à Lille, depuis mon arrivée au club en 1998. Même lorsque je suis parti jouer à Metz (2004-2006), Grenoble (2006-2009) ou Valenciennes (2009-2011), j’avais toujours mon appart à Lille. Je m’y suis même marié alors que je n’y jouais plus. J’ai longtemps vécu dans le Vieux Lille, puis j’ai déménagé de l’autre côté de la Deûle, à Lambersart. Ce qui veut dire que j’ai toujours vécu à 5 minutes de Grimonprez-Jooris. Et je peux le dire, mais aujourd’hui encore, c’est dur pour moi d’aller me balader là-bas. J’ai récemment déjeuné dans Lille avec Vahid. Après notre repas, il devait se rendre sur le site de Grimonprez-Jooris. Il m’a proposé de l’accompagner, mais j’ai décliné. Ça me fait bizarre, vraiment. Ça m’arrive parfois d’aller y promener mon chien, mais j’évite de penser qu’il y avait ici un stade.
Pourquoi ?
(il réfléchit) Parce que le stade n’est plus là. On a beau essayer de l’imaginer, de savoir où était le vestiaire, le but… C’est compliqué de se projeter. C’est un peu comme si ta maison d’enfance, celle dans laquelle tu as vécu tant de souvenirs, était détruite. On a arraché tout un pan de l’Histoire. Après, cela correspondait à la construction d’un autre stade, à une autre aventure qui est aussi très belle au Stade Pierre Mauroy. Mais moi, mon histoire au LOSC, celle de ma génération, on l’a écrite à Grimonprez.