75 ans LOSC : Louis Henno, président historique

PAR PATRICK ROBERT

Je vous parle d’une époque où il n’y avait ni sponsors, ni télévision, ni argent public, ni VIP, ni merchandising, ni même équipementier. Le LOSC était une simple association loi 1901 dirigée par un président omnipotent. Il avait l’oeil sur tout, il décidait de tout et ne laissait à personne d’autre le choix des destinées du LOSC. Ainsi était Louis Henno.  

À son actif, le rang incontesté de meilleure équipe d’une décennie, celle de l’immédiat après-guerre : 1945-1955, avec deux titres de Champion de France et cinq Coupes de France gagnées sur sept finales disputées… en dix ans ! Ajoutons-y pour faire bonne mesure, une finale de la Coupe Latine, l’ancêtre de la Coupe d’Europe des Clubs Champions ! À son passif – car il y en a un – un déclin inéluctable provenant d’un manque de vision à long terme et d’une forme de mépris envers tout ce qui aurait pu entamer sa superbe et remettre en question son pouvoir personnel.
 

“En France, il n’y a qu’une équipe pour battre le LOSC : sa réserve !”

Né en 1896, courtier en lin et infatigable animateur du SC Fives dont il fut ailier droit, capitaine et… président charismatique, Louis Henno possédait des qualités d’ambition et de ténacité peu communes. C’était un dirigeant “à l’ancienne”, la mine cossue, le corps ventripotent, le visage fleuri et jovial, l’allure conviviale. Il avait sans doute moins d’allure et de classe que son grand prédécesseur Henri Jooris, grand patron, autoritaire et cassant. Henno, quant à lui, s’était fait tout seul et restait plus proche de l’homme de la rue. Son grand plaisir était de faire le tour des cafés pour y engager la controverse avec des buveurs de bière aussi solides que lui. Armé de son chapeau de feutre et de son éternel cigare, il aimait à se montrer à l’Aubette, au Bar de l’Echo, au Café de Foy ou à la Cloche. Patron d’une équipe qui domina le football, il ne dédaignait pas en assurer la composition, avec l’assentiment de son docile entraîneur, André Cheuva. Mais il commit une grave erreur d’aveuglement et d’isolement. Il refusa le soutien de la Mairie de Lille, lorsque celle-ci le lui proposa. Il ne vit pas venir le déclin de son équipe et l’avènement du Stade de Reims. Il commit des erreurs de jugement, enrôlant le faux Zacharias, refusant le jeune Kopa et protégeant ses troupes vieillissantes avec sa fameuse phrase : “En France, il n’y a qu’une équipe pour battre le LOSC : sa réserve !” Ignorant superbement l’avertissement des barrages de 1955 – l’année où le LOSC remporta sa cinquième Coupe – il ne put empêcher les relégations de 1956 et 1959. Il ne lui resta plus alors qu’à rentrer sous sa tente, blessé, meurtri, profondément atteint dans son amour propre. Il mourut en 1966 et, avec lui, une grande page du LOSC fut tournée. Au moment de fêter les 75 ans du club, il convient d’honorer le nom de Louis Henno, président charismatique, président historique.

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Henri Kretzschmar, Louis Henno et Marcel Veroone au moment de la fusion.