L'interview

Dans la tête de Lucas Chevalier 

Pur produit du Domaine de Luchin, « l’enfant du coin » a déjà franchi la barre symbolique des 50 matchs sous le maillot du LOSC. S’il est aujourd’hui considéré comme l’une des plus belles promesses du football français à son poste, Lucas Chevalier ne se repose pas pour autant sur ses lauriers. Il vise loin, mais n’oublie pas d’où il vient. Entretien plein d’authenticité avec l’un des chouchous du public. 

Interview réalisée en partenariat avec l'UEFA.

Tu as grandi dans une famille de « footeux », tu confirmes ?
Oui, mon père jouait et entraînait dans des petits clubs locaux. Il m'emmenant partout avec lui dès mon plus jeune âge, aux entraînements du soir, au matchs… J’ai commencé à jouer à Coquelles, dans le village ou je vivais. Au départ, j’évoluais dans le champ. J'étais assez rapide et je courais partout. Mais un jour, il manquait un gardien dans l’équipe de mon frère pour un match. J’ai donc dépanné au goal et finalement, je ne suis plus jamais sorti du but. J’étais un très mauvais perdant. Je me plaignais beaucoup et je pleurais quand j'encaissais des buts. Mon père ne pouvait d’ailleurs pas le supporter (il sourit).  

Il paraît qu’on devient souvent gardien par accident… 
C’est vrai, car quand on est enfant, à l’école, tout le monde veut marquer des buts et courir, alors que quand on est dans le but, on s’ennuie un peu d’une manière ou d’une autre. Je ne pense pas que ce soit le poste le plus attractif lorsqu’on débute dans le football. Mais moi, quand j’ai commencé aux buts, j’ai tout de suite apprécié l’idée de pouvoir plonger partout. Je sentais que j'étais dans mon élément. C’est difficile à expliquer. 

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Ça devait pas mal bouger à la maison, puisque ton frère, Rémi, était aussi footballeur… 
Oui, ma mère raconte souvent cette drôle d’histoire : lorsqu’ils ont appris qu’elle était enceinte de moi, donc d’un nouveau garçon, mon père, qui voulait une fille, a dit quelque chose dont elle se souviendra toujours. « Au moins, nous aurons deux fois plus de chances d’avoir un footballeur, maintenant ».  

En parlant de ton frère, il a évolué pendant quelques saisons parmi les équipes jeunes du RC Lens. Mais toi, tu as toujours été supporter lillois. Tu confirmes ?
Oui, j’ai grandi en tant que supporter du LOSC. J’ai reçu des propositions de plusieurs centres de formations, notamment de Lens. Le LOSC a été le dernier club à manifester son intérêt pour moi. C’était en quelque sorte comme si je les attendais mais qu’ils faisaient durer le suspense. Quand ils m’ont proposé de venir, j’y suis allé sans hésiter, car c’était le club de mes rêves. 

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En quoi le poste de gardien est-il si particulier ? 
À l’entraînement, on se dirige vers un côté du terrain alors que les autres joueurs vont à l’opposé. Nous avons un coach dédié, car ce que nous faisons est complétement différent de tout le reste de l’équipe. Cela implique également un taux de risque plus élevé, de plus grandes responsabilités, du caractère, du leadership et donc du charisme. On peut utiliser nos mains, on plonge. C’est assez fou quand on y pense. C’est aussi pour ça que j’aime. 

On le sait, tu es proche de Mike Maignan. En quoi t’a-t-il aidé au début de ta carrière ?
Mike m’a apporté de la confiance. Il m’a mis à l'aise. Je me demande même parfois pourquoi il m'a autant aidé. Il aurait pu me voir comme un jeune qui devrait simplement s’entraîner. J'ai fait profil bas, j’ai essayé de regarder ce qu'il faisait et de me corriger. Dans notre relation, nous en sommes même arrivés au point où parfois, je pouvais moi aussi le conseiller, ce qui était quand même à la base peu probable puisque je n'avais aucune raison de le faire. Mais si ça s’est produit, c’est qu'il me faisait confiance, qu’il savait que j'étais attentif, et qu'à ce moment-là, il savait qu’il avait fait un mauvais choix. 

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Tu as même participé à son échauffement avant un match une fois. Tu te souviens ?
Oui, c’était avant un LOSC-OM au Stade Pierre Mauroy. L'entraîneur des gardiens ne pouvait plus tirer, il s’était blessé. Je me suis donc retrouvé à faire l'échauffement complet de Mike avant le match, à lui faire des frappes, des exercices… J'avais 18 ans, mais on n'avait pas le choix, il fallait avoir quelqu'un pour tirer. Et j’ai trouvé ça cool de voir le petit jeune échauffer le gardien numéro 1. En plus ce soir-là, il a arrêté un penalty.  

 

"Je suis à Lille, chez moi, dans ma région. Je n'ai aucun problème dans ma vie, j'ai ma famille autour de moi, mon frère, mes proches. Je connais tous les endroits où je vais. Je performe bien. Les gens m’apprécient. Je ne vois pas pourquoi je bouderais ou quoi que ce soit du genre !"

En parlant d’un match contre Marseille. Quelques années plus tard, c’est toi qui a été lancé dans le grand bain contre cet adversaire…
Je me souviens que je n’ai rien mangé de la journée et que je ne pouvais pas parler ce jour-là. C’était très, très difficile à gérer émotionnellement. Je ne sais même pas si j’aurais envie de revivre ce sentiment parce qu’il y avait aussi toute cette pression autour de moi. Il y avait beaucoup d’attentes. Et puis c’était à Marseille, dans une ambiance à laquelle je n’étais alors pas habitué. Mais je voulais montrer que j'étais présent. Je pense que j'ai plutôt bien joué ce soir-là, même si nous avons perdu (2-1, le 10/09/22). Et surtout, j’avais fait preuve de beaucoup de sang-froid. Et d’ailleurs, c’est aussi ce qui m’a donné confiance pour l’avenir. Mais oui, c’est un moment gravé dans ma mémoire.  

Tu parles d’émotions, de pression... Travailles-tu avec un coach mental pour gérer cela ?
Oui, j’ai commencé ça au milieu de la saison dernière. Le but n'est pas de le voir chaque semaine, mais de lui parler tous les mois ou tous les deux mois pour discuter. Même parfois, quand tout va bien, on peut aussi échanger et planifier des choses. Il s'agit aussi de prévoir ce qui peut arriver. J’aime revenir sur la façon dont j’ai géré une situation pour dire : « Bon, à ce moment-là, je l'ai fait comme ci, comme ça, peut-être que j'aurais pu le faire différemment »... 

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Selon toi, quelles sont tes forces et tes faiblesses ?
Pour la force, je dirais que je suis un gardien très rapide et vif. Je presse très haut, ce qui me permet d'aller chercher les ballons assez loin et ensuite de jouer très vite au pied. En ce qui concerne mes points faibles, je dirais plutôt des points à améliorer. Je pense que je peux encore perfectionner mon jeu au pied et la gestion de la profondeur. C’est quelque chose que j’analyse à travers les séances vidéo, notamment. 

Quand on t’observe, on a vraiment l'impression que tu es heureux. Tu confirmes ?
Oui, honnêtement, je le suis ! Comme je le disais récemment à un ami : Je suis à Lille, chez moi, dans ma région. Je n'ai aucun problème dans ma vie, j'ai ma famille autour de moi, mon frère, mes proches. Je connais tous les endroits où je vais. Je performe bien. Les gens m’apprécient. Je ne vois pas pourquoi je bouderais ou quoi que ce soit du genre ! Maintenant, je sais aussi que je n’ai pas encore atteint le bonheur complet car ça voudrait dire que je n’ai plus d’objectifs. Je sais que je peux faire mieux.