​Isaac Lihadji, trajectoire d’un enfant du ballon

PAR MAXIME POUSSET

Il est jeune mais déjà très mature, discret dans la vie mais tendance hyperactif sur le terrain, à peine pro mais déjà champion de France. À 19 ans, Isaac Lihadji aborde sa deuxième saison lilloise. Avec beaucoup d’envie. Retour sur l’itinéraire d’un gamin qui respire football.

Venu tout droit de la planète Marseille

« Marseille, c’est vraiment quelque chose d’important pour moi. J’y ai passé toute ma jeunesse, des moments inoubliables, mais aussi parfois des moments de galère. Pour moi, Marseille reste Marseille, ma ville de cœur. Je l’aime, tout comme j’aime mon quartier du Parc Kalliste (15ème arrondissement), dans les quartiers nord. C’est grâce aux gens de là-bas que j’en suis là aujourd’hui. Je les remercie encore. Ils m’ont poussé à aller jusqu’au bout, à ne jamais lâcher. On me répétait sans cesse : « concentre-toi sur le foot, sur ton travail et un jour on te verra à la télé. J’ai aussi un attachement pour les Comores, dont je suis originaire par mes deux parents. J’aime beaucoup ce pays, ses traditions, sa culture, ses villages. »
 

Une rencontre déterminante avec un homme

« J’ai commencé le foot dans mon quartier, avec mon grand frère, Daniel. Un jour, il m’a dit : « au lieu de jouer ici, viens avec nous en club ». Je l’ai donc suivi à un entraînement, mais au départ, je n’ai pas beaucoup aimé. J’ai persisté une deuxième fois, puis j’ai fini par prendre une licence au FC Septèmes (ndlr : à ne pas confondre avec le SO Septèmes, où a notamment évolué Zinedine Zidane) aux côtés de Yassine Benhattab ou Kaïs Nasri qui sont aujourd’hui à Niort et à la Lazio. On dit parfois que le talent est inné, mais pour ma part, j’ai beaucoup travaillé. J’étais petit et je n’avais pas plus de qualités que les autres. Ma progression, je la dois à mon tuteur, Nabil Hannachi, qu’il repose en paix. Il m’a pris sous son aile et m’a fait progresser de jour en jour. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est vraiment grâce à lui. »

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Le foot à 5 pour commencer

« Les bases du foot, je les ai apprises au quartier, sur de petits synthétiques à 5 contre 5. C’est un bon moyen de développer sa technique, sa vision du jeu, mais aussi les déplacements, les prises de décision rapides dans les petits espaces. Pour moi, c’est une bonne approche avant de commencer le foot à onze, même si évidemment, c’est moins sérieux. »
 

Un essai au Barça à 11 ans

« En 2013, lors d’un tournoi à Fréjus que j’ai eu la chance de remporter avec mon club du FC Septèmes (et d’être élu meilleur joueur), un recruteur du Barça a parlé à mon tuteur. Il lui a proposé une détection avec un autre joueur de mon équipe. Nous avons d’abord été convoqués pour un test à Colomiers (dans la banlieue de Toulouse). Tout s’est bien passé. J’ai passé la deuxième étape, un test, directement à Barcelone, puis une troisième avec un tournoi pendant les vacances scolaires. Mais juste après, je me suis cassé le tibia lors d’un match avec mon club contre le Burel FC. Mais même sans cette blessure, j’avais pris la décision de rester chez moi à Marseille, auprès de mes proches. »

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Joueur de l’OM à 12 ans

« L’année d’après, j’ai signé à l’OM. Quand on me l’a annoncé, je n’y croyais pas. J’étais très fier de porter le maillot du club de ma ville, le seul club français qui a gagné la Champions League. J’ai toujours donné le meilleur de moi-même pour ce club. La semaine, je vivais au centre de formation et le week-end, quand je rentrais au quartier, on me posait plein de questions du genre : « Alors, c’est comment l’OM ? Tu as croisé des joueurs pros ? » C’était l’époque Lemina, Balotelli… Mes idoles quand j’étais jeune ? Robinho, Dembélé, Ronaldinho, Messi, Neymar ou Ronaldo. »
 

Chez les Bleus à 16 ans

« L’Équipe de France C’est vraiment quelque chose d’énorme de porter le coq. Il faut le représenter comme il se doit. Je suis très fier d’avoir défendu ce maillot et de pouvoir continuer à le défendre aujourd’hui (il a évolué dans toutes les sélections, des U16 aux Espoirs). J’ai eu la chance de faire la Coupe du Monde U17 au Brésil. J’ai ressenti beaucoup de fierté. Je me suis rendu compte du chemin parcouru. Je n’étais plus celui qui jouait au five au quartier, je jouais dans de grands stades avec le maillot des Bleus. »

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Dans le groupe pro à 17 ans

« En 2019, j’ai joué mon premier match chez les pros (OM- Naples (0-1, le 05/08). C’était bizarre pour moi de jouer dans un stade avec du public. Ce n’est pas le cas avec les U17 ou U19. Je ne me suis pas vraiment posé de question. Je voulais juste faire de mon mieux sur le terrain, montrer de quoi j’étais capable, sans stress. C’était surtout de l’excitation. Mes gestes préférés sur le terrain ? J’aime beaucoup les feintes de corps, les dribbles, prendre de la vitesse… »
 

Dogue à 18 ans

« C’est vrai qu’en signant au LOSC (à l’été 2020), je changeais de club, de région, de ville… Mais je me suis dit que le ballon roulait dans le même sens à Marseille et à Lille. Je suis donc arrivé ici avec l’envie de continuer de grandir. Au départ, j’appréhendais un peu car je suis quelqu’un d’assez timide. Mais j’ai tout de suite été mis à l’aise. Les autres joueurs m’ont dit que j’étais ici comme chez moi, que j’étais leur petit frère et qu’ils allaient me mettre dans les meilleures conditions pour que je progresse. »
 

À Lille comme chez lui

« Je me suis déjà bien adapté à la vie lilloise. J’aime beaucoup le centre-ville, la Grand Place où il y a toujours du monde, de l’animation, de bons restos et des grands magasins. Je me sens comme à la maison, même si c’est vrai qu’il fait plus froid qu’à Marseille… Les supporters me reconnaissent parfois dans la rue, me demandent des photos. Je joue toujours le jeu car je sais que c’est important pour eux. Quand j’étais petit, j’étais à leur place et je demandais aussi beaucoup de photos aux joueurs. Et puis, c’est aussi le signe que je commence à être reconnu. S’ils veulent faire une photo avec moi, c’est qu’ils m’apprécient un minimum. »

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