​20 ans d’Europe, Johnny Ecker se souvient

PAR MAXIME POUSSET

2001-2021. Cette année, le LOSC célèbre les 20 ans de sa première participation européenne. Après Stéphane Pichot et Grégory Wimbée, puis Fernando D’Amico, donnons aujourd’hui la parole à un autre témoin de cet événement historique : Johnny Ecker, à quelques jours d’un LOSC-RedBull Salzbourg déterminant en Champions League, mardi 23 novembre (21h).

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Nous sommes en 1999, tu as 26 ans, tu es capitaine du Nîmes Olympique en Ligue 2 et tu décides de tenter l’aventure du LOSC, à l’autre bout de la France. Pourquoi ce choix ?
À Nîmes, mon club formateur, j’étais chez moi, j’avais déjà prouvé ma valeur, j’avais les clés du stade, j’étais même en passe de prolonger, mais j’avais l’impression de stagner et qu’on commençait à voir mes défauts plus que mes qualités. Quelques clubs me suivaient alors je me suis demandé s’il n’était pas temps de tenter l’aventure ailleurs. J’hésitais beaucoup, un jour je voulais partir et le lendemain rester. Un jour, alors que j'étais en vacances à Saint-Tropez, j’ai reçu un coup de fil du Président du LOSC, Bernard Lecomte, un personnage que j’ai d’ailleurs fortement apprécié, qui me disait que Vahid Halilhodzic me voulait. J’ai vite accepté. C’est vrai, je quittais un club de Ligue 2 pour un autre club de Ligue 2, mais les objectifs du LOSC étaient beaucoup plus élevés et me permettaient d’espérer jouer un jour en Ligue 1.

Alors tu traverses la France…
Je m’en souviendrais toute ma vie. À peine mon contrat signé dans les bureaux de Grimonprez-Jooris, on me dit que coach Vahid est en bas dans le vestiaire et qu’il veut me rencontrer. Et là, d’entrée, il me dit avec son accent : « Mais meeerde, tu es trop gros, il faut que tu maigrisses… » (il éclate de rire). Bon, j’avoue qu’au retour chez moi, dans l’avion, je me suis quand même demandé si j’avais fait le bon choix de signer. Je quittais mon club, ma ville, ma région, mes amis, des supporters que je connaissais, pour un nouvel environnement. Mais je l’ai vu comme un tremplin. Et ça l’a été.
 

À l'entraînement, VAHID NOUS DISAIT :  « le premier qui vomit, je l’embrasse »


Icon_pa_371929_0.jpgUne nouvelle vie commence alors pour toi. Direction le Nooooord ! Comment as-tu vécu ce changement d’environnement, toi l’homme du sud ?
(il sourit) Pour être tout à fait honnête, j’ai eu un peu de mal au début. Je peux bien l’avouer aujourd’hui, mais avec ma femme, nous avons mis presque un an à véritablement sortir de chez nous. Niveau météo, il y avait chaque jour les 4 saisons. La pluie, le vent et le soleil. Tout en un ! Nous vivions à Anstaing, un village sympa, dans une belle petite maison, pas très loin de Lille, facile d’accès. Et puis un jour, nous étions en séance de dédicaces à Euralille. Il pleuvait mais les rues étaient noires de monde. J’ai trouvé ça incroyable. Quand j’ai posé la question autour de moi afin de savoir pourquoi autant de gens étaient dehors alors qu’il pleuvait, on m’a fait cette réponse qui restera gravée dans ma tête pour toujours : « Si on attend qu’il fasse beau pour sortir, on ne sortira jamais ». Et là, je ne sais pas, ça a débloqué quelque chose en moi et à partir de ce moment-là, nous avons commencé à découvrir cette belle ville de Lille et ses rues magnifiques.
 
Sportivement, tu intègres un groupe très uni, une vraie bande de potes. Tu confirmes ?
Oui. J’ai vécu trois années exceptionnelles (1999-2002) dans un groupe de qualité. Comme j'ai pour habitude de le dire, nous étions un groupe moyen de L2 devenu un groupe moyen de L1 à force de travail, mais aussi grâce à des garçons très humbles, sans prétentions, toujours conquérants, solidaires et résistants à tous les niveaux. On se battait pour le copain sans y voir notre intérêt personnel. Je suis aujourd’hui éducateur sportif et je prends souvent mes années lilloises comme référence pour expliquer aux enfants qu’on peut avoir les meilleures individualités, mais sans l’esprit collectif, il n’y aura jamais de résultat.

Icon_pa_469908.jpgTous les joueurs de cette génération 2001 parlent de ce gout du travail. Mais concrètement, à quoi ressemblaient vos journées avec Vahid ?
À l’époque, les Guignols de l’Info avaient parodié la méthode Vahid comme celle d’un camp militaire. Eh bien... C’était complétement ça (il rigole). On courait beaucoup. C’est à Lille que j’ai d'ailleurs appris les exercices de 3 minutes/3 minutes. Normalement, on doit faire des séries de 8 ou 9. Mais Vahid nous faisait monter jusqu’à 12, parfois même 13. Il disait souvent : « le premier qui vomit, je l’embrasse ». Il savait que si tu vomissais, c’est que tu étais allé au bout de toi-même. Je prends souvent cet exemple avec mes jeunes joueurs. Pour rigoler évidemment. Mais pour revenir sur cette époque, je pense qu'on ne parle pas assez souvent de lui, mais heureusement qu’il y avait Philippe Lambert à ses côtés en tant que préparateur physique pour le canaliser, sinon je crois qu’on serait encore en train de courir à l’heure qu’il est. Et le comble dans toute cette méthode, c’est que Vahid Halilhodzic, qui avait été un attaquant exceptionnel, détestait courir…

Le LOSC survole le championnat en 1999-2000, monte en Ligue 1 et… Termine 3ème dès sa première saison parmi l’élite. En 2021, peut-on encore imaginer voir un club passer de la Ligue 2 à la Champions League en un an ?
Bonne question. Il est vrai qu'on ne s’inquiète jamais d’une équipe promue lors de sa première saison. Notre groupe était essentiellement composé de joueurs qui n’avaient jamais connu la Ligue 1, mais qui avaient galéré ensemble. On a donc créé la surprise, mais surtout, surtout, on gagnait nos matchs physiquement et au mental, en marquant souvent dans les 5 dernières minutes. Pourtant, je me rappelle que pour notre premier match de Ligue 1 contre Monaco (1-1, 29/07/00), on a tous terminé avec des crampes, car le rythme n’était pas le même qu’en Ligue 2.

C’est face à ces mêmes Monégasques, à Louis II que vous allez chercher cette troisième place lors de la toute dernière journée (1-2, 19/05/01). Un souvenir forcément marquant, non ?
Avant le match, nous sommes quatrièmes à un point de Bordeaux qui se déplace à Metz et qui joue sa survie en Ligue 1, alors que nous nous rendons à Monaco. Autant dire que nous n'espérons pas grand-chose, surtout qu’au bout d’un quart d’heure de jeu, on prend totalement l’eau, on perd 1-0 et on évite même le 2-0 grâce à un grand Greg Wimbée. À la mi-temps, Vahid trouve les mots justes. On ne croyait pas trop à cette qualification pour la Champions League, mais dans le même temps, Bordeaux est accroché à Metz (0-0). Ça nous laisse donc une petite chance d’espérer. On réalise une grande deuxième période, on égalise par Laurent Peyrelade, puis Bruno Cheyrou marque le but de la victoire. À Metz, Bordeaux s'incline 2-0). On se retrouve donc propulsés 3èmes et qualifiés pour le tour préliminaire de la Champions League. LA CHAMPIONS LEAGUE ! Alors bien sûr, c’est encore loin, il y a d’abord les vacances, mais à ce moment-là, je prends vraiment conscience que je vais jouer la Champions League, moi dont le rêve était de jouer en Ligue 1.

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Tu es donc allé au-delà de ton rêve…
Oui. J'ai pour habitude de dire qu’on a toujours une étoile au-dessus de nous et qu’il faut essayer d’aller l’accrocher. On commence tous chez les amateurs avec le rêve de signer pro. Puis une fois qu’on est pro en Ligue 2, on rêve de Ligue 1, puis d’Europe, puis de Champions League. Après, j’avais l’objectif, toujours très humble bien sûr, mais l’objectif quand même d’espérer l’Équipe de France. Puis j’imagine qu’ensuite on se prend à rêver de jouer un Euro, une Coupe du Monde, de gagner une Coupe du Monde… C’est comme ça qu’on avance dans la vie. Il faut des objectifs, sinon c'est fade.

L’histoire nous mène maintenant à ce fameux 8 aout 2001 à Parme. Voilà, ça y est, le LOSC s’apprête à disputer le tout premier match européen de son histoire, en Champions League contre un adversaire en forme d’épouvantail. Entre vous, comment l'abordez-vous ?
C’est difficile à saisir aujourd’hui, mais le Parme de l’époque était une très grande équipe. Ils avaient remporté la Coupe de l’UEFA deux ans plus tôt et comptaient dans leurs rangs de très grands joueurs dont un futur Ballon d’Or en la personne de Fabio Cannavaro. Dès le tirage, on était tous super heureux, même si on savait que ce serait que ce serait très, très dur de passer. Vahid, qui avait tout étudié, nous avait pourtant expliqué qu’on avait nos chances. Il avait observé que les Italiens, habitués à réaliser de grosses préparations physiques, n’étaient jamais au point durant les 15 premiers jours de la saison et qu’on avait peut-être une chance de tomber sur un adversaire pas vraiment en jambes. On a donc misé là-dessus. Il nous a fait jouer à 5 derrière, ce qui n’était pas habituel. J’étais donc piston gauche. Et effectivement, très vite on s'est rendu compte qu’ils étaient au-dessus de nous techniquement, mais à la rue physiquement. On a eu la chance de marquer les premiers (47') grâce à Bassir sur une frappe lointaine de Toph’ Landrin. Et puis est arrivé ce coup franc (80')...

Le fameux…
Oui, celui qui a fait connaître Johnny Ecker (il rigole). Aujourd’hui encore, on m’en parle toujours. On ne se souvient de moi qu’à travers ce coup franc à Parme et le plâtre que j’ai porté à la main pendant trois ans avec l’OM… (il se marre). On est donc là, à 30 mètres et Bruno Cheyrou veut la jouer vite. Mais tout de suite, je lui dit non, je vais le tenter. Il me regarde en me disant qu’on est trop loin. Et là, en rigolant, je lui réponds que c’est ma seule chance de signer à Parme l’année prochaine. Il me décale, je frappe et elle part en lucarne. Honnêtement, j’ai 100% de réussite.

Te voilà alors rangé dans la catégorie des grands tireurs de coup francs…
Pour l’anecdote, on joue à Bordeaux trois jours après ce match à Parme. À un moment il y a un coup-franc à 25 mètres. Et là, je sens dans le public une petite attention, du genre : « Wahoo, il a marqué à Parme, il va la refaire ». Moi, je m’avance sans prétention, très serein, peut-être même trop serein. Je suis persuadé qu’il va encore filer en lunette. Je tire et le ballon s’envole au-dessus du stade. J’étais totalement ridicule. Finalement, ça m’a permis de faire redescendre cette pression.

Revenons à cet exploit, le tout premier de l’Histoire européenne du LOSC. Sur le moment, a-t-on conscience de marquer l’Histoire du club ?
Non, absolument pas. Sur le coup, on ne s’en rend pas compte. On est fier, ça c’est sûr. Collectivement comme individuellement, on est heureux de jouer la Champions League, d’entendre enfin cette fameuse petite musique, puis de participer à la phase de poules. On attend le tirage avec impatience en ayant conscience que c’est un moment important, mais on ne mesure pas l’importance et surtout, on ne sait pas que 20 ans après, on en parlerait encore.

20 ans après cette épopée, justement, le LOSC a bien changé. Quel regard portes-tu sur ce qu’est devenu le club ?
C’est le football tout entier qui a changé. J’aimerais simplement dire Bravo au LOSC pour ce qu’il a accompli depuis. Déjà à l’époque, on sentait que le foot évoluait, que de nouveaux investisseurs allaient arriver. Francis Graille et Luc Dayan étaient deux personnages sympathiques que j’ai adorés, mais on sentait une passation de pouvoir imminente. Il fallait de plus gros moyens pour accompagner l’évolution du club. Je suis aujourd’hui encore un supporter du LOSC, évidemment. C’est un club qui sera pour toujours dans mon cœur. Il m’arrive encore d’échanger avec des supporters, notamment sur Facebook.

La dernière fois qu’on a pris de tes nouvelles, tu venais de créer un second club à Beaucaire, ta ville, dont tu étais le Président. C’est toujours d’actualité ?
Toujours ! Je suis Président-Éducateur de ce club, l’Espoir Football Club Beaucairois (EFCB), qui a aujourd’hui des partenariats avec Montpellier et l’OM. On a d’ailleurs vu 11 de nos gamins rejoindre ces centres de formation en 6 ans. Il faut savoir qu’on est tous 100% bénévoles et que nous donnons beaucoup au quotidien pour faire tourner le club du mieux possible.
 


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Johnny Ecker

 

Né le 16 janvier 1973 à Rouen (76)
48 ans
Ancien défenseur latéral gauche

Clubs successifs :
France_9.png Stade Beaucairois
France_9.png Nîmes Olympique (1993-1999)
France_9.pngLOSC (1999-2002)
France_9.png Olympique de Marseille (2002-2005)
France_9.png En Avant Guingamp (2005-2006)
France_9.png Nîmes Olympique (2006-2007)

 



La suite de l'Histoire du LOSC en Champions League s'écrira mardi 23 novembre prochain au Stade Pierre Mauroy face au RedBull Salzbourg. Venez la vivre en live, offrez-vous dès à présent vos billets pour cette rencontre capitale.

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